Ouverture du Sommet des Présidentes d’Assemblée

Mercredi 6 mars

Hôtel de Lassay - Galerie des  Fêtes

Madame la Présidente Bachelet,
Mesdames les présidentes d’assemblée,
Madame les vice-présidentes,
Madame la présidente de la délégation aux Droits des femmes,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, messieurs,

Quel plaisir de vous voir ici toutes réunies, quelle énergie se dégage de nous toutes ! Nous vivons à cet instant un moment historique, puisque, pour la première fois, les présidentes d’assemblée du monde entier se réunissent en Sommet à Paris.

Je commencerai donc en vous souhaitant la bienvenue et en vous disant ma fierté de vous accueillir ici, dans l’enceinte de l’Assemblée nationale française, que je suis la première femme à présider.

Et c’est pour moi une joie de voir que mon cas n’est pas unique ; que sur l’ensemble des continents, des femmes, de plus en plus de femmes accèdent à la haute fonction de présider une assemblée parlementaire, dépositaire de la souveraineté nationale. À l’échelle de la planète entière, c’est une vraie révolution qui est en cours, une révolution de l’égalité que nous incarnons.

D’après mes informations, dix d’entre nous sommes les premières à la tête de nos Assemblées : nos collègues de Belgique, de Slovénie, de Monaco, de l’Angola, de Madagascar, du Mali, d’Indonésie, du Kiribati et du Bangladesh – qui vient d’être réélue !

Je connais bien certaines d’entre vous, mes voisines européennes en particulier, comme Bärbel Bas avec qui je co-préside l’Assemblée parlementaire franco-allemande ; Viktorija que j’ai reçue il y a un peu plus d’un an à Paris, Markéta qui nous a accueillies avec faste lors du 2e Sommet parlementaire de la Plate-forme de Crimée, à Prague, en octobre dernier ; Éliane, Urška et Brigitte, que j’ai eu la chance de rencontrer à Dublin en septembre, en marge de la Conférence européenne des Présidents de Parlement de l’APCE ; Francine, pour un premier contact à Prague ; enfin Nathalie, avec qui nous avons ouvert la XXXIIIe session de la Commission interparlementaire
franco-québécoise, le 14 juin dernier, à Paris.

J’ai pu rencontrer en Côte d’Ivoire mes homologues malgache, Christine, sud-africaine, Nosiviwe, angolaise, Carolinja, et rwandaise, Donatille, lorsque j’ai eu l’honneur de prendre la parole à l’ouverture de la session parlementaire ivoirienne, qui a coïncidé avec la réunion des Présidents de la section Afrique de l’APF.

Et je rencontre enfin aujourd’hui, pour la première fois, les présidentes du continent américain – Marcela pour le Mexique, Patricia pour les Bahamas, Lanien pour Saint-Christophe-et-Niévès –, celles d’Asie – Khuon pour le Cambodge, Puan Maharani pour l’Indonésie, Shirin Sharmin Chaudhury pour le Bangladesh – et même d’Océanie avec Tangariki Reete, pour le Kiribati ! C’est aussi ma première rencontre avec notre collègue d’Albanie, Lindita, et plusieurs homologues d’Afrique : Catherine pour le Malawi, Esperança pour le Mozambique, Celmira pour Sao Tomé-et-Principe et Tulia pour la Tanzanie, également présidente de l’Union interparlementaire – et que je salue pour son élection à cette haute fonction, en octobre dernier.

Des rives du Pacifique au golfe du Bengale, des neiges québécoises aux archipels indonésiens, des montagnes albanaises aux îles des Caraïbes, vous êtes venues, de loin et pour certaines de très loin, afin que ce Sommet inédit ait lieu : au nom de la représentation nationale française et en mon nom personnel, du fond du coeur, je vous en remercie.

L’idée d’un tel sommet m’est venue au cours d’un déplacement international, dans l’avion, avec ma vice-présidente Valérie Rabault, ici présente que je vous invite à applaudir. Nous échangions au retour d’un voyage en Arménie sur notre stratégie de diplomatie parlementaire et il nous a paru que celle-ci devait comporter, absolument, une action affirmée en faveur des femmes. J’ai par la suite testé, auprès de certaines d’entre vous, mon idée de prendre l’initiative d’organiser un Sommet des présidentes d’assemblée un peu avant la Journée internationale des droits des femmes. J’ai vu que vous étiez enthousiastes, et j’ai donc envoyé une invitation personnelle à mes 43 homologues des chambres basses et le résultat est là, fulgurant : vous êtes 24 présidentes à avoir répondu à l’appel !

Nous inaugurerons tout à l’heure, ensemble, une exposition intitulée « Aux urnes, citoyennes ! », sur le 80e anniversaire du droit de vote des Françaises. Elle nous rappellera comment l’obtention de l’égalité politique et sociale a été un long combat, en France comme dans le reste du monde.

Or, ce combat n’est pas fini, il a lieu chaque jour, dans tous les pays, et chaque fois que les droits des femmes sont niés ou bafoués, nous devons être à leurs côtés. Nous savons que les jeunes filles afghanes sont aujourd’hui privées d’école et d’université, interdites d’accès à toute responsabilité. En Iran, malgré l’extraordinaire courage de la société civile qui s’est insurgée contre la domination des mollahs, un pouvoir strictement masculin continue de prétendre régenter la vie des femmes jusque dans ses moindres détails.

N’oublions jamais que pour une simple mèche de cheveux dépassant d’un voile, Mahsa Amini est morte, provoquant un mouvement inédit de solidarité.

Les mariages précoces, s’ils ont reculé de 15 % ces dix dernières années, demeurent répandus en Afrique sub-saharienne et en Asie du Sud. Dans le monde, une femme sur cinq est mariée avant ses 18 ans. Et on estime que 200 millions de femmes et de filles sont victimes de mutilations génitales, la plupart avant d’atteindre leur quinzième année, l’excision étant encore pratiquée dans 31 pays.

Dans le monde, une femme sur trois est victime de violence physique ou sexuelle au cours de sa vie et cinq femmes décèdent chaque heure en raison de violences intrafamiliales. Ces chiffres intolérables nous concernent tous. Pour les combattre, plusieurs modèles peuvent nous inspirer, comme celui de l’Espagne, qui a été précurseur.

Dans des pays où les droits des femmes avaient considérablement progressé, ils tendent aujourd’hui à régresser, sous la pression de discours conservateurs et liberticides.

Dans un tel contexte, il était nécessaire, il était urgent que nous nous rassemblions, nous présidentes d’assemblée, pour transmettre un message politique fort : celui de la défense des valeurs d’égalité et de démocratie dans le monde, et ce, à deux jours de cette Journée internationale des femmes que nous célébrerons vendredi, chacune dans son pays.

Nous, présidentes d’assemblée, sommes des femmes influentes. Individuellement et collectivement, nous avons une responsabilité particulière pour défendre les droits des femmes, être les porte-voix de leur combat pour l’égalité, dénoncer et condamner les actes de barbarie dont elles sont victimes, comme ce fut encore le cas lors des terribles attaques du 7 octobre dernier.
Et j’ai aussi une pensée pour les Ukrainiennes qui, depuis plus de deux ans, souffrent de l’effroyable guerre voulue par la Russie.

La France, en réunissant avant-hier les deux chambres de son Parlement en Congrès, vient de voter la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse. Elle est le tout premier pays à le faire. C’est une garantie pour les Françaises, mais c’est aussi, je vous l’assure, un signal adressé à toutes les femmes à travers le monde, une manière de proclamer universellement que la France reconnaît à toute femme la liberté fondamentale de disposer de son corps. Alors que les mouvements anti-choix progressent de manière inédite et que le droit à l’avortement tend à reculer même dans des grands pays démocratiques, cette constitutionnalisation est une victoire que je veux partager avec vous.

J’aimerais à ce sujet saluer la présidente de la délégation aux Droits des femmes de l’Assemblée nationale, Véronique Riotton, qui la semaine prochaine, accompagnée d’une vingtaine de parlementaires français désignés de manière transpartisane, animera une séquence sur la constitutionnalisation de l’IVG, lors de la 68e session de la Commission sur le statut des femmes de l’ONU.

Dans ce domaine, mon engagement personnel est entier. Dès le début de ma présidence, symboliquement, j’ai inauguré tout près d’ici un buste de Simone Veil, qui fit voter la légalisation de l’avortement en France, il y aura bientôt cinquante ans. Avec Bärbel Bas, lors de l’anniversaire des 60 ans du traité de l’Elysée, nous sommes allées ensemble déposer une gerbe aux couleurs de la France et de l’Allemagne, avec les deux fils de Simone Veil.

Dans mon Assemblée, 14 des 22 membres du Bureau sont maintenant des femmes ; l’accès aux postes de responsabilité est aussi un combat et les députés français ont d’ailleurs adopté, en décembre 2021, une proposition de loi tendant à renforcer l’égalité économique entre les femmes et les hommes.

Et à travers l’ensemble de mes déplacements internationaux, j’ai voulu être leader en matière de diplomatie féministe, pour qu’aucune violation des droits des femmes ne soit plus tolérée.

En Pologne, en Ukraine, en Arménie, en Côte d’Ivoire où je me suis rendue, j’ai échangé avec des citoyennes et des compatriotes engagés pour la défense des droits des personnes vulnérables, en particulier des femmes et des filles. Je les ai écoutées et j’ai pris l’engagement de relayer leur combat en France, par solidarité : car leurs combats nous obligent.

Ce Sommet des présidentes d’assemblée qui nous réunit aujourd’hui va nous permettre de franchir une étape supplémentaire. Il nous donne l’occasion de nous constituer en réseau : l’accès à l’éducation et à la santé, l’égalité professionnelle, la lutte contre toutes les formes de violences, y compris celles dont sont victimes les femmes handicapées, telles seront nos priorités.

Ce Sommet, bien sûr, s’inscrit dans le droit fil de nombreuses initiatives dont je salue l’intérêt, au sein de la Francophonie, du Conseil de l’Europe , de l’Union interparlementaire ou du Commonwealth.
Nous allons échanger, nouer des contacts, lancer des actions qui aideront nos délégations et commissions à coopérer dans le sens d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Et à l’issue de ce sommet, de ses tables-rondes et de ses travaux, nous rendrons publique une déclaration commune ambitieuse, assortie de propositions concrètes à la hauteur de notre engagement. En dépit de situations, de législations et de coutumes différentes, je suis fière de voir que nous pouvons, ensemble, élaborer un texte qui confirme notre engagement commun et notre volonté inébranlable d’agir, à tous les niveaux, national, régional, international, pour faire avancer la cause des femmes. Le monde saura que les présidentes d’assemblée sont une force !

Dans notre travail de réflexion et de conviction, je suis heureuse de pouvoir compter sur l’appui d’une grande dame de la vie parlementaire : Mme Nancy Pelosi, ancienne présidente de la Chambre des représentants des États-Unis. Elle aurait aimé se trouver aujourd’hui parmi nous, elle me l’a dit lors de sa dernière visite à Paris, mais la session plénière du Congrès des États-Unis l’en empêche et nous savons qu’elle est cruciale pour l’aide à apporter à l’Ukraine. Néanmoins, elle a tenu à joindre sa voix aux nôtres par un message vidéo exceptionnel qui va nous être diffusé.

Je veux saluer aussi la présence de Michelle Bachelet, ancienne présidente de la République du Chili, première présidente d’ONU-Femmes et ancienne Haut-Commissaire aux Droits de l’Homme : votre parcours ne manquera pas de nous inspirer.

Enfin, je salue la présence parmi nous d’Oleksandra Matviïchuk, prix Nobel de la Paix 2022 pour son action à la tête de l’ONG Centre des Libertés civiles. Avocate inlassable du respect de la personne humaine, elle a interpellé le monde sur la gravité des crimes de guerre commis depuis l’invasion de son pays, l’Ukraine.

Dans un monde où les femmes paient un lourd tribut aux affrontements et aux guerres, où le corps féminin continue d’être martyrisé par les fauteurs de haine, la tendance pourrait être de sombrer dans le pessimisme ou le fatalisme. Or, il n’en est rien et votre présence ici le prouve : nous voulons agir et réagir, nous voulons dénoncer l’inacceptable, dessiner les contours d’un monde meilleur dans lequel les femmes jouent un rôle de premier plan.

Telle est l’ambition de ce sommet inédit, car nous, présidentes d’assemblée, avons la volonté politique de faire évoluer le monde, comme nous avons fait évoluer les mentalités dans chacun de nos pays respectifs.

Et j’espère que l’une d’entre vous au moins se portera volontaire pour organiser, dans son assemblée, un semblable sommet l’année prochaine !

Une grande romancière française, George Sand, fréquentait ces lieux au dix-neuvième siècle, puisqu’elle fut l’une des premières femmes à suivre les débats parlementaires.
Ses amies l’engagèrent même à se présenter aux législatives, ce qu’elle n’osa faire, jugeant cette initiative prématurée. Mais George Sand, qui croyait au progrès et à l’éducation par l’exemple, eut cette phrase magnifique : « L’avenir peut s’éveiller plus beau que le passé. »

Oui, grâce à nous, grâce à notre action conjointe et coordonnée, demain peut être meilleur qu’aujourd’hui.

Mes chères homologues et collègues, c’est donc avec une immense émotion que je déclare solennellement ouvert notre Sommet des présidentes d’assemblée.

Je vous remercie.


 

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