Ouverture du Week-end du film politique

Jeudi 30 mars

Seul le prononcé fait foi

Mesdames et messieurs les députés,

Mesdames, messieurs, 

La politique n’est pas un film, mais elle en a parfois le rythme et la magie. Avec ses fauteuils rouges, ses séances à heures fixes, ses vedettes et ses seconds rôles, l’hémicycle du Palais-Bourbon est sans doute le premier cinéma de France, antérieur même aux frères Lumière puisqu’il date de 1832… Dès l’origine, ce fut un cinéma parlant, avec un volume sonore digne des meilleurs films d’action.

La différence est que le spectacle a lieu dans la salle et non sur écran, et aussi que le scénario n’est jamais écrit à l’avance, ce qui rend parfois le suspense intolérable. Quant au casting, il n’est pas décidé par un réalisateur unique mais collectivement, par la Nation tout entière, par les citoyens, à qui je veux ouvrir grand les portes de l’Assemblée nationale.

Comme Henri Verneuil et Michel Audiard le font dire à Jean Gabin dans leur chef-d’œuvre Le Président, « c’est une habitude bien française que de confier un mandat aux gens et de leur contester le droit d’en user ». Pour ma part, en tant que Présidente de l’Assemblée nationale, mon mandat consiste d’abord à faire connaître et à mettre en valeur le rôle de l’institution parlementaire dans notre démocratie, et ce mandat, j’en use et continuerai d’en user.

C’est ainsi que j’ai fait augmenter massivement le nombre de places de visites, pour que chaque Français puisse, s’il le souhaite, venir découvrir cette maison qui est la sienne. 

Ouvrir les portes de l’Assemblée nationale, je le fais aussi par la culture, à travers de nombreuses expositions et manifestations théâtrales ou musicales. Sur l’Iran, nous venons d’accueillir une série de splendides photographies d’Alexandre Arminjon. Et je vais bientôt inaugurer les installations du sculpteur Alexandre-Benjamin Navet dans divers espaces de l’Assemblée nationale : la Carte blanche du Printemps, que j’ai créée, permettra chaque année à un artiste émergent de venir s’illustrer au Palais Bourbon.

La création contemporaine reflète l’esprit de notre temps et c’est pour moi une excellente raison de la faire entrer à l’Assemblée nationale. Après les concerts, les pièces de théâtre, les peintures, les photographies et les sculptures, il restait le cinéma ! Dès le début de ma présidence, j’ai voulu que cet art ait lui aussi droit de cité à l’Assemblée nationale et c’est donc avec joie et fierté que j’ai le plaisir d’ouvrir ce premier week-end du film politique. 

Au programme : Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier, Les Promesses de Thomas Kruithof, Coluche Président de Romain Goupil, Silvio et les autres de Paolo Sorrentino… Mais aussi des films dont les réalisateurs sont ici présents, pour débattre avec vous : L’Exercice de l’État de Pierre Schoeller, Paris à tout prix d’Yves Jeuland, La Campagne de France de Sylvain Desclous, qui présente d’ailleurs en ce moment un thriller politique au titre évocateur, Les Grandes Espérances. 

Pour en parler, pour explorer les liens entre fiction et politique, nous pouvons aussi compter sur Guillemette Odicino, critique à Télérama dont les articles pleins de malice et d’érudition cinéphilique font et défont les réputations, et Isabelle Giordano, star du petit écran qui a initié tant de Français aux joies du grand écran.

Ce qui nous réunit, d’abord, c’est la volonté de soutenir le cinéma français. Alors que tant d’autres cinémas remarquables sont en danger, voire ont quasiment disparu sous la pression des majors, le cinéma français résiste, invente et surprend, démontrant chaque jour sa créativité. 

Nos salles de cinéma, quant à elles, recommencent à se remplir, après une crise sanitaire très éprouvante. Il n’en faut pas moins continuer de les soutenir, pour maintenir ces lieux de culture et de sociabilité, si importants pour nous tous et pour notre jeunesse en particulier.

Si le cinéma français a su résister à l’arrivée du cinéma américain, à celle de la télévision, puis à celle des plateformes, c’est grâce au système que nous connaissons depuis 1946 : celui du Centre national du cinéma et de l’image animée, qui ne cesse lui aussi de s’adapter aux innovations économiques et technologiques du secteur.

En faisant contribuer financièrement les diffuseurs à la production des œuvres, en exigeant qu’ils diffusent une part importante de films français et européens, la France a créé un cercle vertueux que de nombreux pays nous envient aujourd’hui. 

Dans ce monde mouvant et concurrentiel, nous devons tout faire pour porter haut l’exception culturelle qui fait la force du septième art français. Nous devons continuer d’adapter notre droit aux nouveaux usages de la population, donner de l’oxygène au financement du cinéma français en intégrant au système les nouveaux diffuseurs, et cela tout en prenant garde de ne pas perdre ce qui fait l’âme même de l’exception culturelle : nos auteurs.

Oui, ce sont bien les auteurs que nous devons protéger de conceptions juridiques trop éloignées aux nôtres : le droit d’auteur français n’est pas le copyright anglo-saxon, il est plus protecteur et j’ajouterai, plus humaniste.

Nos cinéastes nous sont précieux, parce ce qu’ils nous ouvrent des perspectives : ils nous donnent à voir toute la gamme des sentiments humains, qu’activent les espoirs et les peurs d’une société. Ils nous offrent des modèles et des contre-modèles, des héros et des anti-héros, des personnages attachants ou d’abominables méchants… C’est tout le paradoxe du cinéma qui, par l’illusion, le truquage, l’artifice, nous conduit à nous interroger sur notre réalité.

C’est encore plus vrai quand il s’agit de films politiques. Certes, d’un certain point de vue, tout film évoquant les rapports sociaux comporte une dimension politique. Mais il existe une tradition du film explicitement engagé, explorant le monde du pouvoir, ses rouages, sa contestation aussi : tout ce qui fait la vie publique, l’action des militants et des élus, le fonctionnement de la démocratie aux prises avec ce qui la menace. C’est ce cinéma-là que j’ai voulu tout spécialement saluer, parce qu’au-delà du plaisir et du divertissement qu’il nous apporte, il constitue pour tous un apprentissage, un formidable cours d’éducation civique, propice à l’échange.

Comme le remarquait Costa-Gavras, « vous ne pouvez changer la vision politique des gens avec un film, mais vous pouvez au moins engendrer une discussion politique ». Et cette capacité à susciter le débat est pour moi essentielle.

Votre présence ici me montre que, grâce au cinéma, nous pouvons réfléchir et échanger sur les grandes questions de notre époque, sur le rôle des citoyens et des élus dans la recherche et la mise en œuvre de solutions concrètes pour améliorer la vie de tous.

Quoi de mieux que le cinéma, pour nous nous projeter dans l’avenir ? Je ne serai donc pas plus longue et c’est avec plaisir que je cède la parole à nos invités. Action !


 

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