Lundi 3 juin 2024
Discours
Discours
Clôture du programme « Ambition service public » de l’association La Cordée
Jeudi 2 mars
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président de la commission des Affaires économiques, cher Guillaume Kasbarian,
Madame la députée Riotton, mesdames et messieurs les députés, chers collègues,
Monsieur le président de l’Association française de pastoralisme, cher Bruno Caraguel,
Monsieur le vice-président de l’Association française de pastoralisme, cher Pascal Grosjean,
Mesdames, messieurs,
Depuis bientôt soixante ans, annonçant l’arrivée du printemps, le Salon de l’Agriculture est un rendez-vous apprécié du public. C’est aussi une occasion extraordinaire de mettre en valeur les activités agricoles, qui sont au cœur du savoir-faire et des terroirs français.
Cette année, j’ai donc souhaité ouvrir l’Assemblée nationale à l’agriculture et aux agriculteurs.
Cette semaine en effet, une dizaine de lycées agricoles fournissent les différents restaurants et buvettes de l’Assemblée nationale. C’est une manière concrète de saluer leur travail et je suis allée les remercier lors de ma visite au Salon.
Dans la Cour d’honneur du Palais-Bourbon, une ferme éducative a été installée : plusieurs centaines de jeunes viendront ainsi des centres aérés d’Île-de-France pour découvrir à la fois l’Assemblée nationale et la vie agricole. Les deux vont parfois de pair, comme le montre tout près d’ici, en salle des Mariannes, une exposition présentant les évolutions législatives sur le bien-être animal depuis le dix-neuvième siècle.
Enfin, l’Assemblée nationale accueille aujourd’hui ce passionnant colloque sur le pastoralisme et je remercie Véronique Riotton de me l’avoir proposé, car il nous donne l’occasion de valoriser une activité essentielle pour de nombreux territoires.
Le pastoralisme est d’abord une activité ancestrale, qui fait aujourd’hui partie de notre patrimoine. Dans notre culture en effet, l’image du berger est associée à la patience et à la sagesse. La Fontaine, dans Le Berger et le Roi, imagine ainsi qu’un souverain nomme juge un berger, pour cette excellente raison : « Il avait du bon sens ; le reste vient ensuite. » C’est une règle qui vaut aussi pour les députés… Dans la fable pourtant, le berger fuit bientôt les palais et la politique, tandis que le pastoralisme contemporain, en tant qu’activité économique pleine et entière, a besoin d’être entendu et soutenu dans les lieux de pouvoir.
Sous l’Ancien régime, l’activité pastorale reposait sur le principe de la « vaine pâture », un droit d’usage reconnu aux habitants d’une paroisse sur les champs de la communauté. Formalisé au moment de la Révolution, ce droit est fortement encadré par la loi du 9 juillet 1889 qui renvoie les pratiques pastorales aux « usages locaux ».
Un renouvellement de la législation s’impose dans les années 1970, alors que la France fait face à l’immense chantier de la modernisation agricole. Dans les territoires de montagne, l’enjeu est alors d’inventer le pastoralisme des décennies à venir. La loi de 1972 reconnaît ainsi le pastoralisme comme une activité d’intérêt général, compte tenu de sa contribution « à la production, à l’emploi, à l’entretien des sols, à la protection des paysages, à la gestion et au développement de la biodiversité ».
Cette loi a aussi créé les structures juridiques qui sont toujours les nôtres en 2023 : associations foncières pastorales, groupements pastoraux, conventions pluriannuelles de pâturage. Avant tout, le droit pastoral est un droit de la coopération, pour une bonne utilisation de la montagne.
Mais le pastoralisme fait face aujourd’hui à de nombreux défis. C’est même sa perpétuation qui est en jeu.
D’abord, nous le savons, il est difficile de recruter des bergers. Il faut donc accompagner le renouvellement des générations dans ce secteur. Oublions l’imagerie bucolique : berger, c’est un métier exigeant, fatigant, et parfois dangereux. L’année dernière, en Haute-Savoie, une jeune bergère a été victime d’un accident mortel qui a profondément ému la profession.
Fondé sur l’élevage extensif et non intensif, le pastoralisme offre une alternative tournée vers le bien-être animal. Mais cette activité peut cohabiter avec d’autres espèces sauvages qui constituent des menaces pour elle : le bouquetin et le loup.
Le bouquetin véhicule la brucellose, maladie qui se transmet aux troupeaux et, potentiellement, aux humains. Il s’agit d’un sujet de santé publique majeur et la brucellose doit continuer de faire l’objet d’une double politique de prévention et d’éradication. Mais c’est aussi un drame social, puisque c’est tout le troupeau qui doit être abattu en cas de contamination, alors qu’on n’abat que les bouquetins malades. Il faut sans doute faire évoluer la réglementation, en lien avec la Commission européenne.
Quant au loup, cette espèce protégée est en forte croissance et gagne de nouveaux départements. L’État accompagne les bergers pour protéger les troupeaux, mais les pouvoirs publics doivent se montrer plus réactifs, qu’il s’agisse de protection ou d’indemnisation. Le ministre Marc Fesneau l’a dit à l’automne dernier : avec le retour du loup dans des régions où il avait disparu, il faut que la réponse de l’État soit plus forte. Ce problème sera abordé dans la conception du prochain « plan loup ».
Pour ma part, si je ne peux plus désigner de députés au sein du Groupe National Loup, puisque la loi en a décidé ainsi, je pense important que les députés puissent continuer à être mobilisés ! J’ai donc sensibilisé la préfète d’Auvergne-Rhône-Alpes, coordinatrice au plan national, pour qu’elle veille à continuer d’associer les parlementaires aux travaux qu’elle conduit.
Par ailleurs, à l’heure où l’appel de la montagne se fait plus vif, avec le développement des activités de loisir, il nous faut trouver les moyens d’assurer une juste cohabitation entre activités pastorales et tourisme.
Je rappelle d’ailleurs que le pastoralisme contribue à l’entretien de la montagne, de ses prairies, de ses murets, ce dont les activités de loisir sont aussi bénéficiaires.
Si le pastoralisme reculait, ce serait l’entretien de la montagne qui se dégraderait. À l’inverse, un pastoralisme actif tend à valoriser le foncier dans des zones autrefois menacées de dépopulation : comme toute activité, il a un effet d’entraînement sur le reste de l’économie locale et il faut en féliciter nos bergers.
En effet, le pastoralisme ne serait rien sans eux, qui font vivre et revivre cette activité millénaire. Malgré toutes ses difficultés, le pastoralisme français tient bon et nos bergers continuent de maintenir une activité par nature écologique, laquelle fait vivre un ensemble de filières alimentaires et touristiques dans nos magnifiques territoires de montagne.
« Je vois que tous les poètes ont eu raison de faire l'éloge de la vie pastorale, que le bonheur attaché aux soins champêtres n'est point une chimère », écrivait Voltaire à Madame du Deffant. Montrons que ce bonheur reste d’actualité, trouvons les voies et moyens de maintenir et de promouvoir cette vie pastorale pleine de promesses : c’est tout l’objet de ce colloque organisé par l’Association française de pastoralisme, dont je salue l’action. Je vous souhaite à tous une journée d’échanges fructueux.
Je vous remercie.
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