Lundi 3 juin 2024
Discours
Discours
Clôture du programme « Ambition service public » de l’association La Cordée
Jeudi 21 septembre
Hémicycle du Sénat
Seul le prononcé fait foi
Sire,
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Mesdames et messieurs les députés,
Mesdames, messieurs,
Pour que la Présidente de l’Assemblée nationale prenne la parole dans l’hémicycle du Sénat, il faut un grand événement.
Et c’est en effet un moment historique que nous vivons et un grand honneur que nous fait Votre Majesté, qui connaît bien la France, mais y vient pour la première fois en tant que souverain du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.
Cette visite se devait de comporter une dimension parlementaire, car, il faut le reconnaître, si le Royaume-Uni réclamait des royalties sur l’idée de Parlement, toutes les démocraties du monde lui seraient redevables.
En France, dès le siècle des Lumières, le partage du pouvoir entre exécutif et législatif fait l’admiration des esprits éclairés. Si Montesquieu théorise la séparation des pouvoirs, il en observe la pratique de l’autre côté de la Manche et c’est aussi à Londres que Voltaire puise l’inspiration de ses Lettres anglaises.
Mirabeau, quant à lui, plusieurs fois victime de l’arbitraire royal, vénère tout particulièrement l’habeas corpus britannique, et c’est donc sous le titre d’Observations d’un voyageur anglais qu’il publie sa critique des prisons d’État françaises.
Dans ce livre, il crédite nos voisins, vos sujets, « d’un plus grand respect des droits de l’Homme, que cette nation a si glorieusement appris », allusion évidente à la Glorious Revolution de 1688. Lui-même publie son pamphlet un siècle plus tard, en 1788 : et si l’année suivante le même Mirabeau défie le roi de France en lui opposant la volonté du peuple incarnée par la première Assemblée nationale, c’est tout simplement qu’il veut acclimater en France le modèle britannique de monarchie constitutionnelle.
Finalement, ce sont presque les Anglais qui firent la Révolution française… La famille régnante n’était pas d’accord et la France évolua vers un autre système, la République, née le 21 septembre, il y a 231 ans jour pour jour.
Ainsi ont toujours vécu nos deux peuples, s’observant, s’influençant, longtemps rivaux, mais depuis plus d’un siècle, toujours alliés pour défendre la démocratie et les droits de l’Homme.
Le calendrier mémoriel est là pour nous le rappeler : l’année prochaine, en 2024, nous célébrerons tout à la fois les 120 ans de l’Entente cordiale et le 80e anniversaire du Débarquement. Nous nous reverrons donc, comme le chantait Vera Lynn, pour continuer de sceller ce pacte d’amitié et ce long partenariat qui nous unit sur ce qui est essentiel.
Aujourd’hui, la guerre est revenue sur le sol européen. Et dès lors que les valeurs les plus fondamentales se trouvent menacées par un usage illégal et illégitime de la force, nos deux pays se retrouvent une fois de plus du même côté : celui du droit international et du respect des droits de l’Homme.
Deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-Unies, deux membres de l’Otan, deux démocraties d’influence capables de s’entendre, cela compte dans un monde en proie aux tentatives de déstabilisation et de désinformation.
Enfin, en tant que femme, première présidente d’une assemblée parlementaire française, je voudrais saluer la mémoire de ces femmes qui, plus tôt qu’en France, ont su faire évoluer les mentalités pour que soient reconnus les mêmes droits aux deux moitiés du genre humain. J’aurai donc une pensée pour ces suffragettes anglaises qui obtinrent gain de cause dès 1918, et je veux croire que c’est en observant les femmes britanniques, leur engagement, leur civisme, dans les épreuves de la guerre et du Blitz, que le général de Gaulle signa l’ordonnance du 21 avril 1944 qui rendit enfin les Françaises électrices et éligibles.
À Londres aussi, pendant la guerre, un jeune Français qui avait rejoint la France libre découvrit qu’on pouvait acheter en pharmacie des produits anticonceptionnels, permettant aux femmes de contrôler leur natalité : il s’appelait Lucien Neuwirth, futur député et futur sénateur, qui obtiendra en 1967 la légalisation de la pilule en France. Au moment où, dans le monde, et jusque dans de grandes démocraties, les droits des femmes sont remis en question sur la base d’un discours nataliste agressif, il est bon de rappeler cet épisode, qui est beaucoup plus qu’une anecdote.
La liberté ne se segmente pas, on est libre ou on ne l’est pas, et nous voulons l’être dans toutes les dimensions de la vie.
Sire, nos deux démocraties continueront d’avancer ainsi vers notre idéal commun de liberté et de respect de la personne humaine. Chacune à son pas, chacune à sa manière, mais toujours main dans la main quand il faut être ferme.
Ainsi, je sais qu’ensemble nous avancerons et ferons avancer le monde sur la préservation de l’environnement et la biodiversité, causes pour lesquelles nous savons votre investissement personnel, depuis votre jeunesse. Sur cet enjeu majeur, sur cette grande question du millénaire, Marianne et Britannia resteront deux sœurs.
Comme le déclara Winston Churchill à la Chambre des communes, « le Tout-Puissant, dans son infinie sagesse, n’a pas jugé bon de créer les Français à l’image des Anglais » … Et il disait aussi : « La France et la Grande-Bretagne ont trouvé le chemin de la liberté par des voies bien différentes… Mais tant qu’elles feront cause commune, il sera bien dangereux de les provoquer et bien difficile de les abattre. »
Sire, il est impossible en quelques minutes de résumer des siècles de voisinage et de partenariats multiples, mais je sais que nous nous comprenons pour continuer à faire ainsi « cause commune ».
Nos deux pays, qui se sont mis d’accord pour restaurer et entretenir la tapisserie de Bayeux, sauront donner une suite enthousiasmante à cette première bande dessinée de l’Histoire : c’est tout le sens de votre visite et c’est pourquoi je suis fière et heureuse de vous dire, au nom de la Représentation nationale : « Bienvenue en France ! ».
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