Ouverture du colloque célébrant les 10 ans de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sur le thème « La probité dans la vie publique »

Mercredi 11 octobre

Galerie des Fêtes
Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Vice-Président du Conseil d’État, cher Didier-Roland Tabuteau,

Monsieur le Président de la commission des Lois, cher Sacha Houlié,

Mesdames et messieurs les parlementaires, chers collègues,

Monsieur le Président de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie publique, cher Didier Migaud,

Mesdames, messieurs,
Il y a dix ans jour pour jour, le 11 octobre 2013, naissait une entité nouvelle, créée par le législateur : une loi organique et une loi ordinaire, « relatives à la transparence de la vie publique », dessinaient les contours de cette Haute Autorité qui, en dix ans, est devenue si familière à tous que nous avons pris l’habitude de la désigner par ses initiales : HATVP.

Sa naissance n’allait pas de soi ; il y eut des réticences, des résistances, et aujourd’hui encore, on entend parfois des élus grogner sur le caractère minutieux du contrôle exercé. Pour ma part, je tiens à dire que je soutiens pleinement le travail de la HATVP, qui n’est ni trop tatillon ni trop inquisitorial, mais tout simplement d’utilité publique.

Trop de soupçons, trop de défiance pèsent sur la vie politique et parlementaire de notre pays. Depuis le Panama de nos arrière-grands-pères jusqu’aux affaires les plus désolantes de la Ve République, l’antiparlementarisme se nourrit des errements de quelques-uns, au détriment du travail accompli de manière dévouée et désintéressée par l’immense majorité des élus de la République.

Pour un responsable politique, remplir une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts n’est donc pas seulement une obligation légale et un effort administratif : c’est une sauvegarde, pour lui comme pour nos institutions démocratiques.

Car la transparence de notre vie publique constitue véritablement une exigence pour l’ensemble des Français, qui attendent de leurs responsables politiques une probité sans faille. Il faut leur en apporter la garantie et pour cela, un contrôle indépendant est indispensable.

En la matière, mieux vaut prévenir que guérir : c’est ainsi qu’à l’Assemblée nationale, la présence d’un déontologue permet aux députés d’éviter les écueils. La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie publique apporte quant à elle une garantie suprême, par le sérieux et l’indépendance de son action.

Pour autant, ne soyons pas naïfs : les efforts accomplis depuis dix ans ne sauraient suffire pour convaincre une opinion encore majoritairement méfiante. Une étude de l’IFOP, en 2019, indiquait que pour 67 % des Français, aucun effort notable n’avait été engagé pour lutter contre la corruption ; et interrogés sur le parti politique le plus en pointe dans ce combat, 50 % des sondés répondaient : « Aucun parti »

En outre, notre dispositif reste perfectible et notre rôle de législateur consiste toujours à examiner et à améliorer l’existant.

Nous l’avons fait en 2017, et je m’en souviens d’autant mieux que j’étais moi-même rapporteure des lois pour la confiance dans la vie politique : elles ont imposé aux membres du gouvernement de déclarer à la Haute Autorité l’emploi dans leur cabinet d’un membre de leur entourage familial élargi et ont fait obligation aux candidats à l’élection présidentielle de déclarer leurs intérêts, en plus de leur patrimoine.

Nous avons encore légiféré en 2019, quand la loi de transformation de la fonction publique a transféré à la Haute autorité les missions anciennement confiées à la Commission de déontologie de la fonction publique.

Nous continuons de veiller attentivement, sur les exigences de transparence, et j’en veux pour preuve la récente « mission flash » consacrée au décret du 9 mai 2017 sur le répertoire numérique des représentants d’intérêts. Dans leur rapport, le 3 mai dernier, Gilles Le Gendre et Cécile Untermaier ont proposé des améliorations réglementaires, mais aussi des avancées législatives, pouvant aller jusqu’à reconnaître un pouvoir de sanction administrative à la HATVP, qui viendrait compléter les dispositions pénales actuellement en vigueur.

Selon les deux co-rapporteurs, « un tel pouvoir de sanction administrative permettrait effectivement d’améliorer l’efficacité du dispositif, en ouvrant la possibilité de sanctionner plus rapidement des agissements ou des omissions qui n’appellent pas l’engagement immédiat de poursuites pénales, mais qui doivent néanmoins être réprimés, ou a minima promptement rectifiés. Cet outil présenterait ainsi une réelle utilité, en permettant d’appréhender des situations pour lesquelles la HATVP ne dispose actuellement pas d’outil adéquat. »

C’est une recommandation à laquelle nous devons réfléchir et je ne doute pas qu’elle sera évoquée dans les travaux qui vont avoir lieu aujourd’hui. Le législateur est à votre écoute et c’est la raison pour laquelle je suis heureuse et fière de vous accueillir ici.

Enfin, je terminerai en soulignant que le travail de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie publique est également salutaire pour la fluidité de nos ressources humaines. 

Si nous voulons que la politique ne soit pas un métier, accaparé par des professionnels de la politique, mais l’engagement de citoyens issus de la société civile, alors il faut que ceux-ci, à la fin de leur mandat, puissent retrouver leur place dans le monde du travail, au milieu de leurs concitoyens. Ils doivent pouvoir retrouver un emploi, tout en évitant les conflits d’intérêts. Valoriser les compétences tout en excluant le pantouflage, tel est le délicat équilibre à trouver.

Au fond, le lointain inspirateur de la HATVP est sans doute Diderot, qui dans L’Encyclopédie écrivait ceci : « Plus vous trouverez de raison dans un homme, plus vous trouverez en lui de probité. » Au nom de la raison et de la République, je vous souhaite de bons et fructueux travaux.

Je vous remercie.

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